Attaque sensorielle et forte attirance

News 1 mars 2022

ACCEPTER LA LUMIÈRE POUR DISSIPER LES TÉNÈBRES

Ty Gibson / Adventist Review / 14 janvier 2022

“Toto, j’ai l’impression que nous ne sommes plus au Kansas”, dit Dorothée à son petit chien dans “Le Magicien d’Oz”. Tout était familier, mais quelque peu différent. Dorothy se trouvait tout à la fois dans le monde présent et dans un monde nouveau.

Cela vous dit-il quelque chose ?

Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est fondamentalement différent de celui dans lequel nous vivions il y a 20 ans, voire même il y a seulement 10 ans.

Pourquoi ?

Nous sommes devenus des “Produits”

En bref, l’humanité a perfectionné l’art du péché grâce à des avancées technologiques sans précédent. Grâce à la technique le mal est devenu une science précise. Tout ce que l’on peut imaginer est à portée de main grâce à la technologie. Nous vivons une période d’hyper stimulation, de simulation et d’assimilation qui nous plonge dans un état de surcharge sensorielle et sensuelle omniprésente et, si puissante qu’elle pourrait rendre l’humanité “toxicomanes”.

“Vous êtes devenu un produit.”

Ce sont les mots glaçants du thème du documentaire de Netflix intitulé “The Social Dilemma” (“Le dilemme social).

Chacune de vos actions en ligne dans les médias est capturée et transformée. Au fur et à mesure que vous faites défiler une page et cliquez, votre personnalité est “cartographiée” sous forme d’algorithme. Les informations stockées permettent à des sociétés qui payent pour cela de vous cibler efficacement avec leurs produits et services. Les entreprises paient les plateformes de médias sociaux pour pouvoir attirer votre attention. Vous devenez une monnaie d’échange chaque fois que vous cliquez. Tout se vend, vous y compris. Nous sommes tous soumis au plus offrant, à moins que nous en décidions autrement.

L’un des interviewés dans le documentaire “Social Dilemma” est Jaron Lanier, célèbre pionnier de la réalité virtuelle, à présent chercheur chez Microsoft.  Jaron Lanier en vient à cette conclusion “diabolique”:

“Nous avons créé un monde dans lequel la connexion internet est devenue essentielle, surtout chez les jeunes. Dans ce monde, chaque fois que deux personnes se connectent, le seul moyen de financer cette connexion est qu’une troisième personne paie pour manipuler les deux premières. Nous avons donc créé pour notre monde une génération de personnes évoluant dans un contexte où le sens même de la communication, voire de la culture, est empreint de manipulation.”

Le Wall Street Journal a récemment publié un article explosif intitulé “Facebook Knows Instagram Is Toxic for Teen Girls, Company Documents Show” (“Facebook sait qu’Instagram est toxique pour les adolescentes, selon des documents publiés par l’entreprise”). Le sous-titre de l’article est encore plus fort : “Des recherches approfondies révèlent un important problème de santé mentale chez les adolescents, et Facebook minimise ce fait en public” [i].

L’article s’appuie sur des recherches internes de Facebook divulguées pour souligner le fait que Facebook, propriétaire d’Instagram, est pleinement conscient de l’impact destructeur de l’application sur les utilisateurs, en particulier sur les jeunes filles. Mais Facebook est parfaitement conscient que modifier l’application pour en atténuer les effets néfastes se traduirait par moins de clics et donc moins de revenus pour l’entreprise. Jusqu’à présent, Facebook a choisi de privilégier son propre intérêt financier plutôt que le bien-être humain, sachant pourtant que sa plateforme contribue de manière significative à l’accroissement de la dépression, de l’anxiété, des troubles de l’alimentation et des pensées suicidaires, en particulier chez les adolescents.

Bien que Mark Zuckerberg et d’autres dirigeants de Facebook soient parfaitement conscients des effets néfastes de leurs plateformes, ils ont choisi d’éluder la question et de la minimiser lors des audiences au Congrès et des commentaires publics. Lorsque des sénateurs américains leur ont demandé de fournir leurs recherches internes concernant les effets néfastes de leurs plateformes sur les jeunes, les dirigeants de Facebook ont refusé en déclarant que leurs recherches demeuraient confidentielles afin de promouvoir un dialogue franc et ouvert, ainsi qu’une réflexion en interne.” Le sénateur Richard Blumenthal a déclaré dans un courriel : “Facebook semble s’inspirer des pratiques de l’industrie du tabac – cibler les adolescents avec des produits dangereux tout en cachant leurs effets en public.” Non seulement les dirigeants de Facebook sont pleinement conscients des dommages que leurs plateformes causent dans leur forme actuelle, mais ils ont également indiqué qu’ils prévoyaient de lancer une application Instagram pour les jeunes de moins de 13 ans, et ce malgré les objections des procureurs généraux des États. Face aux critiques véhémentes non seulement du Congrès américain mais encore d’autres médias, Facebook a annoncé fin septembre faire une “pause” dans le développement d’une version d’Instagram destinée aux enfants.

Avec l’application Instagram, Facebook est dans une course contre d’autres applications, telles que Snapchat ou TikTok, pour capter et retenir l’attention des adolescents dans un premier temps, pour ensuite étendre son influence sur un nombre croissant d’enfants. La seule façon pour elle d’y parvenir est de rendre Instagram de plus en plus addictif et donc de plus en plus nocif. L’objectif est l’argent, non le bien-être de nos enfants. L’article du Wall Street Journal décrit Facebook comme le nouveau Philip Morris qui a dissimulé ses propres recherches scientifiques qui révélaient les effets nocifs du tabagisme et, qui a continué à promouvoir ses produits par appât du gain, sans tenir compte des vies humaines détruites.

Tout comme Victor Frankenstein, dans le roman de Mary Shelley paru en 1818, a conçu une créature plus puissante que lui et donc incontrôlable, il semblerait que l’homme, en créant Internet, ait créé un monstre technologique échappant à son contrôle. Et pourquoi ne pouvons-nous pas le contrôler ? Cette question met en lumière un point fondamental :

Notre maturité morale n’est pas adaptée à la technologie que nous avons créée.

Comme l’a observé le sociobiologiste de Harvard, Edward O. Wilson : “Le vrai problème de l’humanité est le suivant : elle a des émotions paléolithiques, des institutions médiévales et une technologie divine. Ceci est extrêmement dangereux, au point que nous sommes proches d’une crise mondiale.” [ii]

Autrement dit, Internet est un outil puissant que la race humaine ne devrait pas posséder à son niveau actuel de développement émotionnel. C’est comme donner à un enfant de 5 ans une bouteille de whisky et un pistolet et s’attendre à ce que tout se passe bien. Et pourtant, nous nous trouvons dans une situation identique, sans moyen de revenir à des temps plus simples et moins dangereux.

A mes amis chrétiens et aux membres de l’église Adventistes du Septième Jour, j’aimerais proposer une perspective biblique en deux temps : une analyse eschatologique suivie d’un commentaire théologique pratique.

Analyse sur la fin des temps

Selon les paroles de Jésus, la phase finale de l’histoire humaine sera caractérisée par une augmentation du mal inversement proportionnelle au déclin de l’amour :

“Parce que le mal ne cessera de croître (plēthynō), l’amour du plus grand nombre se refroidira” (Matthieu 24:12, BDS). 

Le mot utilisé “plēthynō” traduit l’idée d’une croissance exponentielle.

L’apôtre Paul a émis le même avertissement :

“Sache bien que dans la période finale de l’histoire, les temps seront difficiles. Les hommes seront égoïstes, avides d’argent, vantards et prétentieux. Ils parleront de Dieu d’une manière injurieuse et n’auront pas d’égards pour leurs parents. Ils seront ingrats, dépourvus de respect pour ce qui est sacré, sans cœur, sans pitié, calomniateurs, incapables de se maîtriser, cruels, ennemis du bien ; emportés par leurs passions et enflés d’orgueil, ils seront prêts à toutes les trahisons. Ils aimeront le plaisir plus que Dieu. Certes, ils resteront attachés aux pratiques extérieures de la piété mais, en réalité, ils ne voudront rien savoir de ce qui en fait la force”. (2 Timothée 3:1-5, BDS).

En d’autres termes, les derniers jours seront difficiles précisément à cause de l’hyper-égoïsme, manifesté notamment par l’amour de l’argent et du plaisir. Lorsque les entreprises privilégient les profits financiers au détriment des personnes, il en résulte une exploitation nocive. Parce qu’il y a tant d’argent à faire en capitalisant sur les tendances dangereuses et addictives de l’esprit humain, nous vivons une agression sensorielle totale via la technologie, et il n’y a probablement aucun moyen d’arrêter cela. L’apôtre Jean nous dit que le mal s’aggravera de façon exponentielle jusqu’à ce que les forces démoniaques surnaturelles aient pris le contrôle total d’une grande partie des humains :

“Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande ! Elle est devenue une habitation de démons, un repaire de tout esprit impur et un repaire de tout oiseau impur, un repaire de tout animal impur et détesté, parce que toutes les nations ont bu du vin de la fureur de sa prostitution ; parce que les rois de la terre se sont prostitués avec elle, et que les marchands de la terre se sont enrichis par la puissance de son luxe » (Apocalypse 18:2-3, NBS).

Assoiffés de gain financier, les “géants” de Babylone, avides de richesse et de luxe, exploitent les données et les algorithmes pour provoquer une attaque sensorielle totale de l’esprit humain. Nous sommes mentalement dévastés par des forces technologiques véhiculant malgré elles des forces non maîtrisées menant l’humanité à sa perte. Le monde est en train de devenir “une demeure de démons”, et les démons accèdent à nos sens à travers des technologies sophistiquées.  

Commentaire théologique

Une fois que nous avons trouvé nos repères dans le paysage eschatologique, la question pressante et pratique devient : que devons-nous faire ? La question peut être posée autrement : comment pouvons-nous remporter la guerre contre les puissances des ténèbres et résister à l’attrait du mal ?

Ellen White donne la réponse suivante :

“Pour dissiper les ténèbres, il faut accepter la lumière. La meilleure façon de vaincre l’erreur est d’y opposer la vérité. C’est la révélation de l’amour de Dieu qui fait apparaître les déviations et le péché du cœur centré sur lui-même » [iii].

Ceux qui passent trop de temps à maudire les ténèbres seront engloutis par elles. Se contenter de pointer sur ce qui est mal et dire aux gens d’arrêter n’a aucun pouvoir moral. Cela ne fait que les plonger dans une culpabilité accrue sans pouvoir être victorieux. Il est pratiquement certain – et c’est peut-être dû à la nature humaine elle-même – qu’une personne se sentant à la fois coupable et impuissante se retranchera dans sa culpabilité en plongeant encore plus profondément dans le comportement interdit. La seule façon de briser l’attrait du péché est d’en proposer un autre bien plus puissant.

Bien que je sois tout à fait favorable au fait d’imposer de vraies restrictions à l’accès des enfants aux plateformes médiatiques de notre monde, ces enfants deviendront adolescents avant même que vous ne vous en rendiez compte. Il est alors peu probable que vous puissiez maintenir les restrictions. C’est pourquoi je pense que les parents chrétiens devraient adopter une approche plus proactive, inculquant à leurs enfants le principe d’autorégulation qui leur permettra le temps venu de faire les bons choix. Et la meilleure façon d’y parvenir est de les rendre conscients de la supériorité de l’amour de Dieu.

Dire “non”, quelles que soient notre insistance et notre autorité, n’est pas une stratégie efficace pour protéger nos enfants, voire nous-mêmes, des mauvaises influences. L’autorité imposée de l’extérieur peut résulter en une acceptation temporaire mais pas en une victoire authentique et profonde.

Dans Romains 7, l’apôtre Paul décrit la psychologie de l’impératif négatif comme étant vouée à l’échec :

“Quand nous vivions selon une logique humaine, les passions mauvaises excitées par la Loi agissaient dans notre être tout entier, et nous produisions un fruit qui mène à la mort”. (Romains 7:5, NFC).

“Car le péché a saisi l’occasion, il m’a trompé au moyen du commandement et, par lui, il m’a tué” (Romains 7:11, NFC).

“Je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas !” (Romains 7:19, NFC).

Pas besoin de chercher si Paul décrit une personne convertie ou pas. Il ne cherche pas à répondre à cette question. Il décrit simplement la réalité psychologique du péché par rapport à la loi et la nature humaine déchue. Il explique que la loi dit “non” à certains comportements auxquels la nature humaine a envie de dire “oui”. Paul explique que le “non” que la loi impose ne fait qu’augmenter le désir de ce qui est interdit. Selon Paul, la loi stimule le péché, et non le contraire. Le moyen le plus efficace d’inciter à une action est de l’interdire.

Dans un passage parallèle à Romains 7, Paul écrit : “Car la loi, avec ses commandements écrits, inflige la mort. L’Esprit, lui, communique la vie”. (2 Corinthiens 3:6b, BDS). La religion devient “mortelle” lorsque notre expérience avec Dieu est imposée de l’extérieur et utilisée comme un mécanisme de contrôle qui l’emporte sur l’amour naissant dans notre cœur. Ellen White l’exprime de la façon suivante :

“Le plan qui consiste à commencer par l’extérieur pour s’infiltrer vers l’intérieur a toujours échoué, et échouera toujours” [iv].

Cette vision des choses explique en grande partie pourquoi l’église perd tant de personnes et en particulier nos jeunes. L’approche “extérieur vers intérieur” empêche l’attirance personnelle et volontaire vers Dieu. En revanche, l’approche de l’intérieur vers l’extérieur est ce que Paul appelle “la nouvelle alliance” qui “donne la vie” (2 Corinthiens 3:6b). Les gens fuient le contrôle mais sont attirés par l’amour. Le problème avec l’ancienne alliance est qu’elle se focalise principalement sur les mauvais comportements et par voie de conséquence les entretient.

L’adventisme, durant plus de 100 ans, a privilégié une approche négative du péché. Nous avons tendance à identifier en premier chez les autres – surtout chez les jeunes – les choses mauvaises pour leur dire de ne pas les faire. Le résultat de cette approche semble évident. Les gens se sentent coupables et impuissants, et leurs promesses à Dieu finissent inévitablement par ressembler à un “cordage lâche”, les poussant soit à l’hypocrisie, soit au désarroi. La “loi avec ses commandements écrits” finit par détruire – soit parce qu’elle génère un pharisaïsme prétentieux, soit parce qu’elle pousse à abandonner l’église. L'”ancienne alliance” ne fonctionne pas parce qu’elle impose des exigences morales qui finissent par cacher l’amour de Dieu.

Les parents demandent souvent : “Comment puis-je empêcher mes enfants de jouer à des jeux vidéo, de regarder des films et de passer des heures sur les médias sociaux ?” Nous avons besoin d’aide pour pouvoir dire à nos enfants “non” aux mauvaises choses. Au premier abord, ceci est compréhensible. La situation est extrêmement difficile à gérer et inquiétante aussi. Nous aimons nos enfants, nous voulons ce qu’il y a de mieux pour eux. Les influences négatives sont si répandues qu’il semble impossible de les protéger. Nous sommes donc fortement tentés de recourir à l’impératif négatif, qui pourra fonctionner tant que nos enfants seront jeunes et sous notre autorité. Mais nous devons nous demander : “Quel est notre objectif ? Est-ce simplement d’empêcher nos enfants de faire ce qui est mal aussi longtemps que nous le pouvons ? Bien sûr que non ! Notre but est de faire de nos enfants des adultes responsables, autonomes et personnellement amoureux de Jésus. Et cela signifie que nous devons donner la priorité à l’enseignement de l’évangile glorieux, puissant et transformateur du Christ, tant pour le bien de nos enfants que celui des membres de notre église,

“Moi, quand j’aurai été élevé au-dessus de la terre, j’attirerai tout homme à moi”. (Jean 12:32).

“L’amour est puissant. Les forces intellectuelles et morales font partie de ce principe et ne peuvent en être séparées… L’amour ne peut survivre autrement. Chaque acte le stimule, le renforce et le fait croître. L’amour remportera la victoire” [v].

“La contemplation de l’amour de Dieu manifesté dans son Fils met le cœur en émoi et augmente la puissance de l’âme comme rien d’autre ne peut le faire” [vi].

“Rien n’influence aussi profondément les motivations de notre conduite que l’assurance de l’amour et du pardon du Christ.” [vii]

“Le sujet qui attire le cœur du pécheur c’est le Christ crucifié. Sur la croix du Calvaire, Jésus se révèle au monde dans un amour sans pareil. Présentez-le ainsi et la lumière de son amour fera passer les hommes des ténèbres à la lumière, de la transgression à l’obéissance et à la vraie sainteté” [viii].

Notre priorité, en tant qu’église, est de promouvoir des formations de disciples qui cultivent l’amour de Dieu dans le cœur et l’esprit de nos enfants et de nos membres. Il est urgent que les principes de l’ancienne alliance cèdent la place à ceux de la nouvelle alliance. L’adventisme a réellement besoin de l’évangile, de la bonne nouvelle de la faveur imméritée que Dieu nous fait. Grâce à elle notre âme s’élèvera pour vivre pour Dieu, non par obligation mais parce que nous l’aurons décidé.

Le péché attire. Il n’y a aucun doute là-dessus. Mais l’amour de Christ a un attrait bien supérieur. Seul l’amour de Jésus est assez puissant pour briser le pouvoir du péché sur nos âmes.

Ty Gibson est auteur, conférencier et directeur de Light Bearers (“Les porteurs de lumière”), un ministère par la publication, basé à Collegedale, Tennessee, USA.

Références :

[i ] https://www.wsj.com/articles/facebook-knows-instagram-is-toxic-for-teen-girls-company-documents-show-11631620739?mod=article_inline.

[ii] https://harvardmagazine.com/breaking-news/james-watson-edward-o-wilson-intellectual-entente.

[iii] Ellen G. White, The Desire of Ages [Mountain View, Calif.: Pacific Press Pub. Assn., 1898, 1940] p. 498.

[iv] Ellen G. White, Temperance [Mountain View, Calif.: Pacific Press Pub. Assn., 1949], p. 102.

[v] Ellen G. White, Testimonies for the Church [Mountain View, Calif.: Pacific Press Pub. Assn., 1948], vol. 2, p. 135.

[vi] E. G. White, The Desire of Ages, p. 478.

[vii] E. G. White, The Desire of Ages, p. 493.

[viii] Ellen G. White, in Review and Herald, Nov. 22, 1892.