La suisse est un pays où il fait bon vivre, où la nature est belle, et dont la population est calme, réservée et travailleuse. Les systèmes politique, administratif et économique fonctionnent bien et cela donne aux habitants l’impression d’être protégés des difficultés.
Pourtant, des orages violents sont venus, le mardi 22 juin 2021, rappeler aux habitants que, même en Suisse, la vie est fragile. Plusieurs régions de Suisse romande ont été touchées : maisons inondées, routes coupées, chemins de fer impraticables. Cressier, dans le canton de Neuchâtel, a été l’une des villes les plus touchées.
Dans cette ville, un petit ruisseau habituellement tranquille, qui traverse la ville, en partie en sous-sol, est devenu un torrent de boue, de cailloux, de branches d’arbres. Les maisons du centre de la vieille ville et celles, en contrebas, près du chemin de fer, ont été inondées et sinistrées.
Dès le mercredi matin 23 juin, un responsable ADRA de Neuchâtel m’a demandé qu’ADRA intervienne à Cressier. Nous avons décidé, avec les responsables ADRA Suisse (Adventist Development & Relief Agency) d’organiser une journée d’aide humanitaire d’urgence et d’aller à la rencontre des familles pour les aider à déblayer leurs maisons. Je me suis rendu à Cressier pour rencontrer les responsables de la commune et les personnes ayant déjà constitué un réseau d’entraide local afin d’évaluer et organiser l’aide que nous allons devoir apporter.
Arrivé à Cressier, je découvre un scénario digne d’un film apocalyptique américain : de la boue partout, des voitures renversées et détruites dans plusieurs endroits de la ville, des appareils électro-ménagers (lave-vaisselles, machines à laver), des meubles et autres objets tous détruits, jonchant les rues. Le préjudice est évalué à 150 millions de francs suisses.
Mais au-delà des dégâts matériels, le préjudice majeur est humain. Ces habitants ont été durement touchés par cette réalité qui est que, même en Suisse, l’homme n’est à l’abri de rien. Dans des circonstances extrêmes, telles que le déchaînement des éléments naturels, tout peut basculer en une heure.
C’est donc le dimanche 27 juin 2021, après un appel lancé sur les réseaux d’ADRA, que des personnes venant de Genève, Delémont, Fribourg, Lausanne, Bienne et Neuchâtel se sont rendues à Cressier pour aider cette population. Près de 25 personnes, vêtues d’un t-shirt rouge ADRA, se sont réparties dans les rues de Cressier pour aider des familles préalablement contactées et d’autres dans le besoin qui croisaient notre route.
Au total, 7 familles ont été aidées, notamment pour déblayer la terre et la boue de leur logement. Par endroit, la boue arrivait presque jusqu’aux genoux, une catastrophe ! Dans ces pièces remplies de boue, tout était perdu.
Le positif, malgré la situation désastreuse, est que les habitants se sont rapprochés les uns des autres. Il s’est créé un élan d’entraide important avec la distribution de nourriture, de vêtements, d’eau, etc. Le moment le plus convivial fut le repas au centre du village à midi pour tous les bénévoles du village et d’ailleurs. Tous vivaient ce moment habités d’une mission commune : aider un maximum pour s’en sortir le plus rapidement possible. Tous étaient très déterminés.
Dans cette détresse, nous avons vécu quelques moments touchants. Une dame qui me voit passer me dit : “Monsieur, j’ai besoin d’aide. Je n’ai plus de téléphone, plus de courant électrique, pouvez-vous appeler les services pour moi ?”. “Mais, bien sûr madame”, lui ai-je répondu. Des choses qui étaient toutes simples avant cette catastrophe, comme passer un appel, sont devenues compliquées.
Une autre dame s’est immobilisée devant un carton qui venait d’être remonté de sa cave inondée. Elle a semblé, l’espace d’un instant, oublier tous les bruits alentour et s’est mise à regarder son album photo rempli de boue. Nous avons été témoins de ses pleurs en regardant ces clichés si importants, désormais détruits. Triste réalité.
Oui, ces catastrophes nous rappellent que tout ce que l’homme a créé reste finalement fragile. Seul ce qui est à l’intérieur de chacun de nous reste. Ce sont des moments comme ceux-là qui nous le rappellent.
À un autre moment, alors qu’une partie de l’équipe terminait un travail, je pars à la recherche d’une nouvelle famille à aider. Je vois alors une dame dépitée dans son jardin et lui demande si elle souhaite l’aide de notre association pour déblayer et ranger son jardin. Elle accepte cette aide immédiatement avec plaisir. Elle a subi de gros dégâts matériels car son jardin est juste à côté du ruisseau qui a débordé. Quand elle voit arriver ces personnes en T-shirt rouge estampillé ADRA, elle me dit : “Depuis des années j’aide ADRA avec les colis pour le projet “Noël dans un carton” (cartons envoyés aux enfants de Moldavie). L’année dernière j’ai préparé plus de 150 bonnets et écharpes pour ces enfants là-bas. Et maintenant c’est ADRA qui vient à mon secours. Je suis touchée”.
Ce petit moment de partage avec cette dame m’a conforté dans l’idée que Dieu fait plus que de petits clins d’œil. Il vient personnellement frapper à la porte. Nous étions là, au bon endroit au bon moment, nous étions les bras et les mains de Dieu pour ces personnes, comme Jésus nous le rappelle dans Matthieu 25.31-46.
Quelle belle journée d’entraide… Car, non seulement nous avons aussi été aidés par cette courageuse population de Cressier qui révèle ce qu’il y a de beau dans le cœur de l’être humain quand nous décidons de tendre la main à notre prochain, mais encore nous avons été heureux que Dieu puisse nous utiliser au service de ses enfants de Cressier.
De Rickson Nobre, pasteur de l’église luso-hispanique adventiste de Neuchâtel.
Source : https:/www.adventistemagazine.com/